« Ils se marièrent, eurent beaucoup d’enfants et vécurent heureux pour toujours » … Cette conclusion des contes de fées de notre enfance reflète encore une réalité partagée par l’imaginaire collectif, ancrée culturellement : la maternité est merveilleuse, devenir mère est une consécration. On imagine la grossesse comme une période sacrée, joyeuse ou on s’épanouit et resplendit. Ça y est mon bébé est né, c’est le plus beau jour de ma vie ! Mais quand est-il réellement ?
La grossesse, un vécu différent et unique : tout n’est pas toujours tout rose
Chaque grossesse est un moment de transformations corporelles et psychologiques intenses.
Au niveau physique:
Tout d’abord notre corps se transforme, notre ventre s’arrondit, nos seins grossissent, nos hanches s’élargissent… Des vergetures et des boutons peuvent apparaître, des démangeaisons, des gonflements, des sensations physiques inconnues… Certaines mères vivent très bien ces changements. Ce sont des signes qu’elles sont en train d’attendre un enfant. D’autres en revanche, ont l’impression de perdre le contrôle de leur corps, ce qui peut être difficile et angoissant.
Les nausées et vomissements peuvent également être plus ou moins prégnants. Pour certaines cela devient un enfer : des vomissements incoercibles pendant 9 mois ! L’Hyperémèse Gravidique est une pathologie de la grossesse encore trop peu connue. En plus des difficultés inhérentes à cette maladie (complications telles que la perte de poids, la déshydratation, la qualité de vie détériorée…) s’ajoute souvent une incompréhension de l’entourage et du corps médical. La souffrance des femmes atteintes d’Hyperémèse Gravidique est donc souvent mal prise en compte et même parfois accentuée. Certaines s’entendant dire qu’elles ressentent ça car inconsciemment elles ne veulent pas de leur bébé, elle le rejette ! Non, l’Hyperémèse Gravidique n’est pas due à un problème psychologique mais aux hormones et à la génétique.
Il y a aussi parfois des femmes qui doivent rester alitées durant la grossesse pour éviter un accouchement prématuré. En somme, la grossesse peut parfois être physiquement difficile à supporter.
Au niveau psychique:
De plus, c’est également une période de questionnements : Est-ce que je vais aimer cet enfant ? Est-ce que je vais l’aimer autant que mon premier ? Serai-je à la hauteur ? Est-ce que je vais réussir à m’en occuper ? Ces incertitudes peuvent pour certaines générer beaucoup de stress et d’anxiété. Consciemment ou pas, les futures mères revisitent leur histoire : Quelle fille ai-je été pour ma mère ? Comment mes parents m’ont-ils élevé ? Qu’est-ce que je veux absolument faire différemment ? Qu’est-ce que je veux transmettre à mon enfant ?
Nous transmettons consciemment et inconsciemment (mandats, dettes, traumas issus de l’inter- et trans- générationnel) des informations à nos enfants qui vont influencer leur développement. En effet, la vie psychique de tout bébé se construit, entre autre, en interrelation avec celle de ses parents – et donc avec les traces que leurs ascendants ont imprimées en eux.
Durant la grossesse, il peut donc y avoir une résurgence du passé, une réactivation d’émotions liées à l’enfance. Ainsi, d’anciennes blessures dont nous n’avons pas guéri, ou des blessures enfouies dont nous n’avions pas conscience vont parfois s’exprimer ou se raviver. La grossesse peut donc être psychologiquement difficile à vivre.
Parler de son vécu:
Dans tous les cas, si vous avez des doutes, des difficultés, si vous êtes en souffrance, il est important de pouvoir en parler ; que ce soit à votre conjoint, à des amis, à sa famille, ou bien à des professionnels. Non la grossesse n’est pas toujours comme on l’avait rêvé. On peut même aller jusqu’à détester être enceinte. Heureusement cela ne présagera pas d’un mauvais lien avec son bébé une fois qu’il sera né.
L’accouchement, un moment pouvant être vécu comme traumatique :
On imagine toutes notre accouchement. Certaines s’y préparent même plus que d’autres, ont un véritable projet de naissance. Que vous prévoyiez un accouchement le plus naturel possible, avec ou sans péridurale, avec une césarienne… il peut toujours y avoir des imprévus.
Les complications de l’accouchement:
Parfois des difficultés empêchent l’accouchement de se dérouler comme espéré. Par exemple, on est opérée d’urgence, ou le bébé a un problème, ou il est sorti avec les forceps…. La douleur peut être beaucoup plus forte que ce à quoi on s’attendait.
De nombreuses peurs peuvent surgir : peur de ne pas y arriver, peur de mourir, avoir envie d’abandonner, ne plus supporter d’avoir mal, peur qu’il arrive quelque chose à son bébé…. On peut se sentir abandonnée et seule face à sa souffrance. D’autant plus lorsqu’il y a un manque de personnel et que l’on n’est pas rassurée, que l’on reste avec ses inquiétudes, ses peurs.
Certaines remarques indélicates des professionnels comme des reproches, un manque de compréhension et d’empathie peuvent nous blesser. On peut ne pas oser s’exprimer, demander ce dont on a besoin. On ne se fait pas confiance et après on le regrette, on s’en veut. Dans certaines situations on subit totalement l’accouchement, on n’a aucun contrôle et on le vit douloureusement. On peut même être victime de violence obstétricale.
Notre capacité à accueillir notre bébé:
Lorsque l’on accouche, on est donc confronté à de multiples changements dont certains ne sont pas prévisibles. Ceci nécessite une adaptation. Or, nos capacités à nous adapter spontanément à tous ces changements varient. Ainsi, selon la manière dont s’est passé notre accouchement, dont on l’a vécu, selon notre contexte de vie, notre histoire, on est plus ou moins disponible pour accueillir notre bébé.
Par conséquent, il peut arriver de ne pas ressentir immédiatement de l’amour pour son bébé. Cela ne veut pas dire que je suis une mauvaise mère, que je ne suis pas capable de l’aimer. Cela veut dire qu’à ce moment-là le stress était trop fort. Je n’ai pas pu laisser l’amour venir, le ressentir et me connecter avec mon enfant. Il suffit qu’il y ait trop d’émotions refoulées à l’intérieur de moi, pour que je me retrouve débordée par trop de stress; ce qui va inhiber l’émotion d’amour.
Le post-partum : une période délicate
Le post-partum immédiat est un moment de grand bouleversement hormonal et d’ébranlement majeur : sur le plan psychique, sur le plan narcissique et sur le plan générationnel. Nous devons nous adapter à une nouvelle identité. Nous perdons l’idéalisation et le soutien de la grossesse et nous nous retrouvons avec les astreintes et la responsabilité constante du bébé.
Devenir mère, une adaptation:
Nous devons également avoir un mouvement de dé-idéalisation du nouveau-né qui n’est pas comme on l’avait imaginé. Les premiers temps, le bébé est très dépendant, même s’il a déjà ses spécificités propres. Pour pouvoir répondre à ses besoins cela demande un mouvement identificatoire important. Les premiers signaux sont difficiles à décoder. Cette adaptation demande un très grand travail psychique, un accordage affectif, un travail de pare-excitation et de capacité de rêverie.
Le décalage entre ce que l’on avait idéalisé et ce que l’on vit peut être source d’inconfort. Cela peut entraîner un sentiment d’inadéquation et d’incompétence chez certaines mères. Il peut y avoir ainsi une discordance entre les perceptions que l’on ressent en post-partum et comment on prévoyait de se sentir : il y a un décalage entre son vécu et ses attentes.
La maternité, que de changements!
De plus, le retour à la maison est synonyme de nouveau fonctionnement. La place de chacun change en lien avec sa nouvelle identité (de parent, de grand-frère ou grande-sœur). Lorsque l’on passe d’une vie à 2 à une vie à 3, la relation de couple se modifie.
De nombreuses transformations ont lieu : il peut y avoir des modifications de la vie sexuelle, des troubles du sommeil, une anxiété avec des inquiétudes et une vigilance exagérée, notamment par rapport au bébé. La femme ne retrouve pas son corps d’avant grossesse. Elle peut avoir des douleurs, des fuites urinaires, des affects dépressifs transitoires…
L’arrivée d’un bébé met donc toute la famille à l’épreuve. Un nouvel équilibre doit être trouvé. Cela peut être vécu douloureusement et entraîner des troubles et des décompensations chez les parents (tant chez la mère que chez le père). Or, la plupart des troubles durant la période périnatale sont curables. Certains peuvent même être prévenus. Il est donc important de connaître les difficultés possibles que l’on peut rencontrer et d’en parler autour de soi lorsque nous les vivons.
Prendre soin de la santé mentale des mamans dans la période périnatale
La période périnatale est une période de grande vulnérabilité psychologique. Une décompensation d’un trouble préexistant ou un trouble inaugural peuvent avoir lieu. Le risque pour la santé mentale de la femme durant cette période y est le plus important qu’à tout autre moment de sa vie. Une femme sur cinq présentera une pathologie avérée durant cette période.
Juste après la naissance, la femme a le plus grand risque de déclarer une psychose. La dépression, elle, est le trouble de santé le plus important durant la maternité, touchant 10 à 20% des femmes. Le suicide est, quant à lui, une des premières causes de mortalité maternelle. Il est donc primordial de différencier une dépression du post-partum d’une fatigue due à la maternité. De plus, il faut être attentif aux facteurs de fragilité. Lorsque l’accouchement a été vécu comme traumatique, la mère peut présenter un Trouble de Stress Post Traumatique (TSPT). Durant cette période, les mères peuvent aussi avoir des troubles anxieux et des TOC. Les préoccupations pourront être en lien avec la grossesse, le fœtus, le bébé et/ou les capacités maternelles. Si vous ressentez depuis plusieurs semaines des sentiments plus ou moins douloureux, avez des pensées étranges, déconcertantes, négatives, et que tout cela se met en travers de votre relation à votre bébé, vous coupe de lui, il est important d’aller consulter sans tarder (médecin traitant, sage-femme, PMI, psychologue).
L’isolement, un facteur de fragilité:
Au sein de nos sociétés occidentales, où la famille est nucléaire, la socialisation de la maternité est faible durant la période périnatale. Il est important de savoir que des lieux et associations accueillant les nouveaux parents existent (café des bébés, Lieu d’Accueil Enfant Parent, club Poussette …). Ces lieux permettent de sortir de l’isolement, d’échanger avec d’autres parents, de se sentir moins seule avec ses questionnements, ses craintes, ses doutes…
À ce sujet, je vous invite à lire l’article le soutien à la parentalité en Gironde si vous voulez plus d’informations.
Un enjeu de santé majeur:
De manière générale, le passage vers la parentalité (maternité et paternité) représente un stress considérable pour une bonne partie de la population. Les 1000 premiers jours (de la grossesse jusqu’aux 2 ans du bébé) sont une période clé pour le développement et le bien être futur de tout individu. En effet, le développement du bébé pendant cette période est à la fois en plein essor et à la fois particulièrement sensible à l’environnement qui l’entoure. Ainsi, soutenir, encourager, accompagner les parents durant cette période va favoriser la qualité d’attachement parents-bébé et ainsi avoir un effet positif sur son développement. Le bébé aura ainsi plus de chance d’être bien équipé pour gérer les situations difficiles qui se présenteront dans sa vie. De plus, de nombreux troubles durant la période périnatale peuvent être prévenus ou guéris. Pour cela ils doivent être détectés et correctement pris en charge. L’accompagnement des bébés et de leur famille durant cette période est donc primordial.
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